Le 4 avril, c’est le jour de l’anpan, cette petite boule de pain remplie de pâte de haricots azuki sucrée, l’anko.
Est-ce encore une date décidée sur un jeu de mots à la japonaise ? Pas du tout, on est là dans une authentique commémoration !
Tout commence par Yasubé Kimura, dont tout l’internet anglophone vous dira qu’il est un « ancien samourai », alors que pas du tout : il est né dans une famille d’agriculteurs ! Il rêve d’échapper à l’agriculture et de monter à la capitale, mais n’a pas encore d’idée précise de quoi y faire, il travaille donc à droite et à gauche avant d’embrasser la révolution culturelle en cours et l’ouverture à l’occident en ouvrant sa première boulangerie en 1869. Qui brûle dans l’année, aussi décide-t-il d’en ouvrir une nouvelle à Ginza l’année suivante, qu’il nomme « Kimuraya ». Si le pain a déjà fait son apparation au Japon, il est dur et peu hydraté, et les Japonais lui préfèrent naturellement leur riz habituel. Yasubé a beau crier dans la rue pour attirer le chaland, il ne vend pas grand-chose... Il a cependant comme gros client une école militaire, ce qui lui permet de survivre.
En boulanger consciencieux, Yasubé cherche pourtant à fabriquer un pain moelleux que les Japonais apprécieraient au quotidien, et c’est le souvenir des gâteaux « saké manju » qui l’amène à l’utilisation de levure de saké dans sa préparation pour donner, en 1874, cette véritable réalisation syncrétique qu’est l’anpan, fusion d’un pain moelleux à l’occidentale et de l’anko comme fourrage, des fleurs de cerisier marinées faisant office de décoration.
Le 4 avril de l’année suivante, par l’entremise du chambellan Tesshu Yamaoka, la gourmande invention est remise à l’empereur Meiji pendant le Hanami. L’empereur aime. L’impératrice aime encore plus et fait de Kimuraya un fournisseur officiel du palais impérial.
Et c’est pourquoi nous célébrons le 4 avril comme « jour de l’anpan ».
Mais l’anpan va connaître un succès absolument inattendu dans les années suivantes, à commencer par une version de Hokkaido, le Tsukisamu anpan, qui servira de ration à une armée soucieuse d’intégrer les pâtisseries dans son régime tant pour des raisons énergétiques que logistiques, puis à partir de 1988 avec le personnage d’Anpanman, véritable mascotte omniprésente dans toutes les crèches et maternelles du pays.
Simple création d’un boulanger qui voulait juste faire un pain apprécié des Japonais, l’anpan est devenu un véritable symbole de la japonité.