Les différentes variétés de riz
Lorsqu’on entre dans l’univers du saké et du riz indispensable à sa fabrication, on peut globalement diviser ce riz en 2 catégories : le riz à saké, destiné à fabriquer du saké, et le riz de table, destiné à être mangé.
Quelques questions surgissent alors spontanément : peut-on manger du riz à saké ? Peut-on quand même faire du saké avec du riz de table ? En quoi sont-ils fondamentalement différents ?
C’est précisément à ces questions que nous allons répondre, et bien plus !
Quelle est la différence fondamentale entre le riz à saké et le riz de table ?
C’est avant tout une question de structure du grain : pour la fabrication du saké, vous savez qu’on polit le grain de riz pour enlever les protéines, les vitamines et le gras (qui ont tendance à produire des goûts parasites) des couches superficielles et ainsi mettre à jour le cœur d’amidon (appelé shimpaku en japonais, littéralement « le cœur blanc ») qui servira à la fermentation.
Eh bien c’est là le problème du riz de table : contrairement au riz à saké où l’amidon est concentré au centre du grain et les protéines, vitamines et graisses en périphérie, dans le riz de table tout est un peu réparti au hasard dans tout le grain. On comprend donc que si le polissage du riz à saké permet d’éliminer précisément ce dont on ne veut pas pour ne garder que ce qu’on veut, dans le riz de table c’est 50-50, et on n’est jamais vraiment sûr de ce qu’on enlève et de ce qu’on garde.
D’où vient le riz à saké ?
À l’origine, le riz à saké vient simplement de quelques variétés sauvages qu’on a utilisées pour fabriquer du saké, puisque leurs caractéristiques naturelles en faisaient dez riz adéquats. Évidemment, on ne s’est pas contenté d’en rester là, et si certaines variétés naturelles sont toujours utilisées ou ont même été ressuscitées, la plupart des variétés de riz à saké en usage sont le fruit de croisements et d’ingénierie génétique afin d’obtenir des riz plus performants. Par exemple, avec un plus gros cœur d’amidon, plus résistants au polissage, contenant moins de protéines, etc.
Peut-on manger du riz à saké ?
Oui. Est-ce une bonne idée ? Pas forcément. Les riz à saké ont des caractéristiques peu attrayantes pour la dégustation : l’extérieur est plus dur et le riz moins nutritif. Le riz à saké est également 2 fois plus cher que le riz de table, puisque produit en bien moindres quantités. Certains restaurants (généralement spécialisés dans le saké) se sont mis à en servir, en onigiri par exemple, mais il s’agit d’exceptions.
Peut-on faire du saké avec du riz de table ?
Parfaitement. On peut même en faire des sakés Daiginjo avec un seimaibuai inférieur à 50% ! Tout est une question de goût et de savoir-faire : c’est là que l’expérience des maîtres brasseurs fait la différence et permet d’obtenir de bons sakés à partir d’un riz de table.
Quelles sont les variétés de riz les plus courantes ?
En riz de table, nous en présenterons 2 :
– l’omniprésent Koshihikari, développé à Niigata et désormais cultivé dans tout le pays, puisque ce riz représente la plus grosse production rizicole nationale. Avec son goût riche et sa bonne élasticité, il fait l’unanimité sur les tables. Mention spéciale à la viande de bœuf, l’accord des 2 est absolument fantastique !
– le riz Hitoméboré développé dans la préfecture de Miyagi est une sous-variété du Koshihikari que l’on trouve dans tout le pays, mais surtout dans la région du Tohoku. Il possède de plus gros grains que le Koshihikari et est plus collant et plus léger, aussi accompagne-t-il facilement toute sortes de plats japonais.
Pour les riz à saké, il y a les incontournables qui ont fait leurs preuves, mais les régions souhaitent souvent avoir leur propre variété de riz, aussi voit-on depuis quelques temps de nouvelles variétés gagner en réputation. Le développement d’une nouvelle variété de riz à saké peut prendre des dizaines d’années, peut-être y a-t-il donc en ce moment même une nouvelle variété en préparation qui prendra tout le monde par surprise dans quelques temps… Il existe plus d’une centaine de variétés de riz à saké, mais nous n’en présenterons ici que quelques-unes des plus utilisées :
Le riz Yamada nishiki
Créé dans la préfecture de Hyogo en 1923, ce riz représente la plus grosse production de riz à saké, bien qu’on ne puisse pas le cultiver sur des terrains plats en raison de la hauteur de sa tige et de ses gros grains qui le rendent très vulnérable au vent. Avec un cœur d’amidon représentant 75% du grain, une très bonne résistance au polissage et une grande facilité à contrôler le développement de ses saveurs pendant le processus de fabrication du saké, ce riz a évidemment tout ce qu’un maître brasseur demande d’un riz à saké ! On en fait des sakés Ginjo et Daiginjo parfumés, au goût fruité, élégant et complexe.
Le riz Gohyakumangoku
Deuxième en termes de production nationale, ce riz produit à Niigata et enregistré sous ce nom en 1957 a mis une vingtaine d’années à se faire une place, mais ses caractéristiques ne pouvaient que séduire les brasseurs : grains de taille moyenne avec un énorme cœur d’amidon bien centré. Les sakés à base de riz Gohyakumangoku sont généralement légers et nets, symboliques du style « rafraîchissant » de Niigata.
Le riz Omachi
Il s’agit là d’une variété sauvage découverte en 1859 et dont la lignée génétique représente 2/3 des riz à saké, y compris le Yamada nishiki et le Gohyakumangoku. Difficile à cultiver car très sensible aux intempéries et au vent, il n’est pas vraiment répandu en dehors de sa préfecture natale d’Okayama, qui possède un climat idéal pour la culture de cette souche. Variété sauvage, ce riz possède une saveur distincte qui transparaît au-delà du travail effectué par les maitres brasseurs, chose assez rare dans le domaine du saké et qui l’assimile à la notion de terroir qu’on connaît dans le vin.
Le riz Miyama nishiki
Troisième riz à saké le plus utilisé au Japon de nos jours, cette variété officiellement enregistrée en 1978 se distingue par de gros grains avec un cœur d’amidon opaque. Principalement cultivé dans la préfecture de Nagano, ce riz est également très présent dans les régions du nord du Japon en raison de sa résistance au froid. Sa récolte précoce et sa capacité à donner une plus grande marge de manœuvre gustative au brasseur pendant le processus de fabrication du saké en font un riz très prisé. Il produit généralement des sakés bien équilibrés, légers et rafraîchissants.
Le riz Koshitanrei
Dernier-né de la préfecture de Niigata, le riz Koshitanrei est l’exemple du riz développé par une région pour répondre à un besoin spécifique : les brasseurs voulaient un riz local permettant de brasser des sakés Ginjo et Daiginjo. En effet, plus le cœur d’amidon est gros, plus il est fragile et risque de se casser avec un polissage supérieur à 50%. C’est là une des faiblesses du riz Gohyakumangoku de la préfecture, et l’alternative était donc l’import de Yamada nishiki, riz peu compatible avec la culture en région froide. Qu’à cela ne tienne : un croisement des 2 variétés en 1989 a donné le riz Koshitanrei, enregistré… 18 ans plus tard, en 2007 !
Le résultat est un riz à haut rendement, résistant même mieux au polissage que le Yamada nishiki et donnant des sakés élégamment parfumés, avec un corps léger et une texture douce, produisant des arômes de fruits exotiques et des saveurs d’umami de riz.